interview
Kévin GŒURIOT : une plume fidèle à la Lorraine
Par Groupe BLE Lorraine | Le 21/12/2015 | Dans Groupe BLE Lorraine | Commentaires (0)
Dans une interview exclusive accordée au Groupe BLE Lorraine, auquel il contribue via des études historiques et des contes, Kévin Gœuriot, tout juste Lauréat du Prix des Conseils départementaux de Lorraine pour son sixième livre intitulé Quand la Lorraine sera française, revient sur le rattachement de la Lorraine à la France qui l’a inspiré. Un épisode de notre histoire qui trouve une résonance particulière à la veille de la dissolution de la Lorraine au sein de l’ACAL.
Groupe BLE Lorraine : Tout d’abord, félicitations Kévin pour ce Prix qui vient couronner votre travail. Pouvez-vous nous raconter plus en détails la genèse de votre roman historique ?
Kévin Gœuriot : « Merci beaucoup pour vos compliments, qui me vont droit au cœur ! Il est vrai que le roman qui a été couronné à Bar-le-Duc, vendredi dernier [11 décembre 2015, N.d.l.r.], est le fruit d’un long travail d’écriture. En fait, l’idée de consacrer un roman historique au rattachement de la Lorraine et du Barrois à la France a germé dans mon esprit il y a une dizaine d’années, lorsque j’étais étudiant en histoire, à Nancy. Tout petit déjà, j’avais été frappé par un dessin de Jean Morette, sous lequel on lisait : le 23 février 1766, le bon duc Stanislas meurt. Le lendemain, la Lorraine était française. Cette petite phrase avait suffi à piquer ma curiosité. Je me demandais en effet comment la mort d’un monarque dont le nom, à cette époque, ne m’évoquait guère que la place qui porte aujourd’hui son nom, pouvait signer, pour les Lorrains, la fin de leur indépendance.
Kévin Gœuriot feuilletant son roman : « Les Lorrains peuvent être fiers d’être les héritiers d’un passé à la fois glorieux et douloureux » (Crédits photo : Kévin Gœuriot)
Du coup, je me suis renseigné. A force de lectures, j’ai compris, d’une part, que le rattachement de la Lorraine à la France ne s’était pas fait d’un coup, en 1766, mais qu’il était le fruit d’un long processus, entamé dès le Moyen-âge. L’annexion des Trois-Evêchés en 1552, l’occupation des duchés et leur cession par François III en 1737 sont autant d’événements intéressants. Mais spontanément, c’est vers Stanislas que je me suis tourné. Peut-être aussi parce que, bien qu’étant le moins lorrain de nos ducs, il en reste le mieux connu des Lorrains …
La phase de recherche a donc duré quelques années. Puis, après avoir élaboré un plan (maintes fois remanié d’ailleurs), je suis passé à la phase d’écriture, qui a duré un peu plus d’un an. Je tenais à faire alterner les chapitres qui évoquent la famille Collin, à Bauzemont, avec les lettres, fictives, de Jean-Baptiste Durival, frère du célèbre Nicolas, qui nous a laissé une fidèle description de l’ambiance qui régnait à Lunéville, dans les années 1760 … L’idée était avant tout de plonger le lecteur dans une ambiance. Pour cela, je n’ai pas hésité à émailler les dialogues des paysans de quelques mots patois, expliqués dans un lexique, en fin d’ouvrage.
Le manuscrit, lu et corrigé par mon épouse, a ensuite été proposé aux éditeurs en février dernier. Il a très vite intéressé et en avril 2015, il était disponible en librairie. Une petite fierté, qui tombait à point pour célébrer le prochain 250ème anniversaire du rattachement des duchés de Lorraine et de Bar à la France … »
Groupe BLE Lorraine : Qu’est-ce qui a selon vous convaincu le jury de vous attribuer ce Prix ?
KG : « Je ne sais pas trop, il faudrait demander aux membres de ce jury [rires]. Mais je dois avouer que Monsieur Vetsch, conseiller départemental de la Moselle, m’a confié, en me remettant le prix, qu’il avait ouvert mon roman un soir d’octobre et qu’il n’avait pas pu aller se coucher avant d’en avoir achevé la lecture. Un joli compliment, auquel s’ajoutent les remarques des autres membres du jury. Ces derniers ont salué l’ambiance décrite, les mots patois, l’humour aussi, notamment pendant la veillée, qui est décrite dans le chapitre XIX.
A ma décharge, je dois dire que le jury n’avait reçu qu’une quinzaine de livres. Mais je ne sais pas combien de romans. En outre, c’est mon éditrice qui a eu l’idée de soumettre le roman au concours. Du coup, quand la nouvelle que le prix m’était attribué est tombée, j’étais assez surpris … »
Groupe BLE Lorraine : Au 1er janvier 2016, fusionnée avec l’Alsace et la Champagne-Ardenne, la Lorraine disparaîtra en tant qu’entité administrative et politique. Quelle analogie pouvez-vous établir en tant qu’historien entre la situation que nous vivons actuellement et 1766, année du rattachement de la Lorraine à la France ?
KG : « La nouvelle carte des régions est une chose qui interroge en effet. Mais je me suis toujours efforcé d’être optimiste. Si l’on regarde le passé, la Lorraine n’a fait qu’évoluer, au fil des siècles, dans ses limites et frontières. A tel point que dans notre région, la frontière doit moins être considérée comme une ligne que comme un espace à part entière, avec toute sa profondeur et son épaisseur … En outre, l’unité lorraine est largement discutable et un Lorrain du Pays de Bitche a assez peu à voir, en définitive, avec un Lorrain de Bar, de l’Argonne ou des Hautes-Vosges. Pendant des siècles, l’unité lorraine n’a tenu que parce que les Lorrains adhéraient à certaines valeurs, au premier rang desquelles figuraient la religion et la famille ducale. Aujourd’hui, les Lorrains se retrouvent dans d’autres valeurs. Ils sont fiers de leur patrimoine, de leur gastronomie, de leur histoire aussi, de laquelle ils ont hérité une identité complexe et quelques complexes identitaires.
L’analogie que l’on peut établir entre 1766 et la période actuelle est donc difficile à dresser. Elle forcerait l’historien à mentir ou à déformer une réalité. Nos ancêtres percevaient les choses d’une autre manière que nous ne les percevons. Les médias, la vie politique, n’existaient quasiment pas en 1766 ! La vie elle-même était rythmée par les saisons et non par les élections, les séries télévisées et le calendrier scolaire … Du coup, la comparaison entre les deux périodes me paraît hasardeuse. Surtout qu’il ne faut pas oublier qu’entre temps, une partie de la Lorraine s’est retrouvée par deux fois annexée à l’Allemagne, créant ainsi un véritable traumatisme qui, d’une certaine manière, ajoute encore un peu plus de complexité au débat …
Malgré tout, je voudrais attirer votre attention sur les commémorations du rattachement de la Lorraine à la France. Un opuscule signé du Baron Guerrier de Dumast nous indique qu’en 1866, le centenaire de cette commémoration s’était fait en grande pompe, avec un long défilé de costumes historiques. En 1976, la commémoration a donné lieu à quelques productions littéraires originales, mais la plupart du temps orientées. J’ignore si en février prochain, la mort de Stanislas et la réunion de la Lorraine à la France seront commémorés. Une exposition se prépare au Musée Lorrain de Nancy. Mais le centenaire de la Bataille de Verdun risque de polariser le devoir de mémoire. Ce qui est regrettable à mon avis. Car les Lorrains devraient mieux connaître l’histoire de leur région. Elle n’est pas incompatible avec la « grande histoire » qu’on nous inculque à l’école. Elle est tout simplement complémentaire. Tout Lorrain devrait, à mon avis, avoir entendu parler de René II, de Stanislas et du Saillant de Saint-Mihiel. Tout comme les Bretons devraient entendre parler de la Duchesse Anne ou les Alsaciens de Maître Erwin de Steinbach et des Princes de Rohan … Mais ça, c’est un autre débat … »
Groupe BLE Lorraine : Dans quel état d’esprit étaient les Lorrains à cette époque ? Quels en furent les conséquences directes et concrètes pour eux et leur pays ?
KG : « Il est toujours très difficile de savoir ce que pensait une société, il y a quelques siècles de cela. Pour autant, on peut s’en faire une idée assez précise grâce aux lettres, documents et témoignages laissés par quelques personnages, généralement les plus instruits. Ils ne sont donc pas toujours représentatifs. On sait par exemple, grâce aux écrits des frères Durival ou à ceux de Dom Calmet, que les Lorrains se méfiaient assez du changement de nationalité. Ils étaient très attachés à la famille ducale et lorsque François III quitta la Lorraine en 1737, nombre de ses portraits furent lacérés en place publique … Ce qui n’empêcha pas les mêmes Lorrains d’aller prier pour le repos de l’âme de ce duc, au mois d’août 1765. Stanislas, qui avait hérité de la Lorraine entre-temps, en fut d’ailleurs assez irrité et semble s’être montré jaloux de l’attachement que les Lorrains continuaient à manifester à leur ancien duc. De même, on sait que l’intendant Antoine-Martin Chaumont de la Galaizière, qui exerçait la réalité du pouvoir et prenait ses ordres à Versailles, s’était attiré l’inimitié des Lorrains en recourant aux corvées et en les accablant d’impôts. La grogne était donc bien présente. Et on a presque peine à comprendre comment les mêmes Lorrains adhèrent, deux générations plus tard, aux idéaux de la révolution … Certainement que l’esprit lorrain s’est révolté, en 1789, contre les injustices plus que contre l’Etat lui-même.
Pour ce qui est du peuple, on ne sait pas vraiment ce qu’il pensait. Mais il est certains que les laboureurs de Lorraine, en 1765-66, se posaient des questions. Ils craignaient certainement qu’une fois devenus français, ils soient accablés de nouveaux impôts et considérés comme des pions sur un échiquier. Ou que le pouvoir central (pour ne pas dire centralisé) fasse moins de cas de leur sort que ne le faisaient les ducs. Craintes justifiées d’ailleurs car la France, une fois la Lorraine entrée dans son giron, va se montrer assez ingrate. Savez-vous par exemple que le mobilier du Château de Lunéville va être dispersé dans toute l’Europe et que le château sera lui-même transformé en caserne de gendarmerie, dès l’automne 1766 ?
Quant à connaître les conséquences du rattachement de la Lorraine à la France, elles sont multiples. Mais j’insiste : la réunion de la province au royaume de France s’est faite sur le long terme. En outre, en 1766, toute la Lorraine n’est pas non plus française puisque les miettes issues de l’empire que sont alors la Principauté de Salm et le Comté de Créhange gardent encore un semblant d’indépendance. De plus, les deux annexions vont amputer une nouvelle fois la Lorraine d’une partie de son territoire et d’une conquête de la province, la France va devoir se lancer, en 1914 et en 1940, dans une reconquête …
Et oui, qui a dit que l’histoire de la Lorraine était simple ? [rires] Les Lorrains peuvent être fiers d’être les héritiers d’un passé à la fois glorieux et douloureux, et dans lequel est née l’idée de paix, en la personne de Robert Schuman. Evidemment, il s’en trouvera toujours pour regretter le temps de l’indépendance et de la Lorraine ducale. Mais la Lorraine, quoiqu’on en dise, est bel est bien française. Elle a d’ailleurs payé, dans son histoire, un tel tribut à la France (tribut humain, économique et moral) qu’elle ne peut mépriser les liens qui l’unissent à la France.
Mon roman n’est pas un pamphlet politique. Son titre est volontairement impertinent. Mais son contenu est tout autre. Il mène le lecteur au cœur d’une période cruciale de l’histoire lorraine, en lui faisant vivre les semailles, les moissons et les veillées d’autrefois d’une part et, d’autre part, l’ambiance léthargique qui devait régner à la cour de Lunéville, dans les années 1760. Le livre qui vient d’être couronné, je l’ai d’abord voulu comme une ode à la Lorraine, à sa personnalité, à son histoire et à son identité. Aussi, comme je le note dans le texte, si chacun de nous entretient dans son cœur, une idée assez noble de ce que peut et doit être la Lorraine, il n’y a pas de crainte à avoir. La Lorraine vivra comme elle a toujours vécu et les chardons continueront de pousser le long de nos chemins. Et les alérions continueront de voler sur nos bannières. Et brimbelles et mirabelles continueront de s’étaler sur nos délicieuses tartes !
Le Groupe BLE Lorraine adresse toutes ses félicitations à Kévin Gœuriot pour son Prix et le remercie pour le temps qu’il nous a accordé pour répondre à nos questions.
Quand la Lorraine sera française, roman historique autour de la mort de Stanislas, par Kévin Gœuriot, Editions du Quotidien, 18 euros.
DHORASOO en ENTRETIEN EXCLUSIF : « Nous sommes prêts à faire bouger les lignes ! »
Par Groupe BLE Lorraine | Le 14/05/2014 | Commentaires (0)
Dans une interview exclusive de Vikash DHORASOO accordée au Groupe BLE Lorraine, Vikash DHORASOO, ancien joueur de l’équipe de France de football et président de l’association Tatane, nous parle ses projets en Lorraine.
Vikash DHORASOO et l’association Tatane soutiennent le projet de l’Excelsior Cuvry (Crédits photos : Association Tatane & Excelsior Cuvry)
Pouvez-vous nous présenter votre association ? Quelle en est la genèse ? Quelles sont ses missions, ses activités et ses valeurs ?
Vikash DHORASOO : « Tatane est un mouvement collectif et populaire pour un football durable et joyeux. Durable comme une splendide défaite, joyeux comme une action presque mythique racontée à ses enfants. Lancée en avril 2011 autour d’un manifeste co-écrit par Brieux Férot (So Foot) et Pierre Walfisz (producteur) et moi-même, le mouvement Tatane compte aujourd’hui près de 5 000 membres et a reçu le soutien de personnalités aussi diverses qu’Emmanuel Petit, François Bégaudeau, Fred Poulet, Benoît Forgeard, Ernest Pignon-Ernest, Thierry Frémaux, Vincent Delerm, Daniel Cohn Bendit, Rudy Ricciotti, Xavier Beauvois, etc.
Tatane poursuit des objectifs clairs :
- Valoriser le football comme un lieu de jeu sans enjeu : la défaite doit être dédramatisée et la victoire relativisée ;
- Développer la dimension de politique publique du football : le sport est un lien social comme les autres ;
- Démocratiser radicalement la vie des clubs et des associations sportives : le sport est une cité qui a besoin de ses citoyens ;
- Mettre fin au marché spéculatif dans le football : vers la suppression des indemnités de transferts. »
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur le foot et son image ?
« Aujourd’hui nous pensons qu’un réel fossé s’est creusé entre le football paillettes du PSG ou de Monaco et le football du dimanche. Nous pensons chez Tatane que le football ne se résume pas seulement aux salaires des joueurs ou au nombre de maillots vendus. L’arrivée d’investisseurs a modifié l’image du football français ces dernières années. Le football est de plus en plus vu comme un business, un spectacle et les footballeurs comme des artistes en représentation. Pour preuve, le récent rapport Glavany pour un sport durable proposait d’aligner la fiscalité des footballeurs professionnels sur celle des artistes du spectacle. Or, pour nous le football c’est plus qu’un spectacle. »
A l’heure du « foot business », comment votre association arrive-t-elle justement à se faire entendre ? Ne va-t-elle pas finalement à contre-courant de l’évolution de ce sport ?
« Nous nous faisons entendre grâce à nos prises de positions. Nous avons organisé un débat Tatane l’an dernier sur le thème « Faut-il construire des stades ou les abattre ? ». Nous avions invité Rudy Ricciotti, l’architecte du stade Jean Bouin à Paris, entre autres. Quelques mois plus tard nous étions invités à parler de notre conception « du stade Tatane » au Sénat. Nous n’avons pas peur d’être à contrecourant. S’il faut gêner pour se faire entendre, alors nous sommes prêts à faire bouger les lignes ! »
Quel est le projet que vous menez en Lorraine ?
« Nous avons choisi d’aider le club de l’Excelsior Cuvry dans son projet d’achat de buts. Nous sommes « mentors » sur le site de financement participatif kisskissbankbank. Nous aidons les clubs amateurs à monter des projets tels que l’achat de matériel, l’embauche d’un entraîneur ou encore l’organisation d’un tournoi. L’Excelsior Cuvry était pour nous le club idéal pour démarrer cette aventure. Nous le suivons depuis quelques années et il correspond tout à fait à notre vision du football. Les dirigeants ont créé un partenariat avec une équipe du Pérou. Chaque année ils organisent un tournoi grâce auquel des fonds sont récoltés pour une association. Il nous paraissait évident de les aider à financer leur projet. Ils incarnent aussi pour nous le football amateur, le football rural qui a besoin d’aide pour se développer, dynamiser la commune et créer du lien social entre les joueurs, les supporters et les citoyens !
Et d’ailleurs, si le cœur vous en dit, pour 20 euros investis dans le projet, vous pouvez aider le club. En échange, vous aurez votre photo dans leur vestiaire pendant un an. Ce n’est pas formidable ça ? »
Concrètement, comment un club amateur peut-il solliciter votre aide pour se développer ?
« Un club qui souhaite monter un projet peut nous contacter à l’adresse contact@tatane.fr. Nous construisons ensuite avec lui son projet et la présentation sur kisskissbankbank. Nous lui offrons ensuite une visibilité grâce à notre réseau et nous l’aidons à terminer sa collecte. Chez Tatane, nous sommes tous bénévoles et nous avons tous une activité à côté. Nous nous impliquons dans chacun des projets avec passion. »
Enfin, un pronostic pour la prochaine Coupe du Monde au Brésil ?
« On révérait d’une finale Belgique-Honduras complétement Tatane, mais un Brésil-Espagne parait plus probable. Victoire du Brésil sur un but de Lucas, évidemment. »
Le Groupe BLE Lorraine remercie les membres de l’association Tatane et M. Vikash DHORASOO pour le temps qu’ils nous accordé.
Pour plus d’informations sur l’association Tatane et le projet de l’Excelsior Cuvry, merci de suivre ces liens :
Exclusif : Connaître la flore lorraine pour mieux la préserver
Par Groupe BLE Lorraine | Le 05/05/2014 | Dans Groupe BLE Lorraine | Commentaires (0)
Dans une interview exclusive accordée au Groupe BLE Lorraine, François VERNIER, président de l’association Floraine, nous présente la diversité et l’évolution de la flore dans notre région. Il apparaît indispensable de mieux connaître la richesse de cette flore pour la préserver. C’est ce à quoi s’attèle Floraine.
Quelles sont les spécificités de la flore lorraine ? Quelles espèces singulières notre région abrite-t-elle ?
François VERNIER : « La flore lorraine est variée du fait de la diversité des substrats (calcaires, marneux, gréseux, cristallins), mais également du fait des différences d'altitudes importantes entre l'Ouest et l'Est de la région. C'est ainsi que nous rencontrons une flore à tendance atlantique sur les marges Ouest du département de la Meuse, des influences montagnardes sur les pelouses subalpines vosgiennes et des éléments nettement continentaux dans le Pays de Bitche.
Pour François VERNIER, la sauvegarde de la flore lorraine passe par une meilleure connaissance de sa richesse et de sa diversité (Crédits photo : Association Floraine)
La Lorraine possède deux plantes dites endémiques, que l'on ne trouve que dans notre région, l'Ibéris de Viollet sur quelques éboulis des côtes de Meuse et la Salicorne de Vic à Vic-sur-Seille. Nous avons également la chance de trouver les seules localités de Laser à trois lobes de France. Cette plante est par ailleurs présente d'Allemagne à la Turquie. »
Comment la flore de notre région évolue-t-elle ? Voit-on de nouvelles espèces arriver, d’autres s’éteindre ?
« Comme dans toutes les régions du monde la flore évolue en Lorraine. Il y a des espèces qui disparaissent et d'autres qui arrivent sur notre territoire. Parmi celles qui ont disparu, notons les messicoles (plantes liées aux moissons) telles que la Nielle des blés ou l'Androsace des champs éliminées par les herbicides. La disparition de plantes comme l'Alisma fausse renoncule ou la Linaigrette gracile résulte de la réduction des milieux humides. Nous avons perdu deux tiers de ces zones humides au cours du XXème siècle, dont la moitié dans les trente dernières années. Ces disparitions ont pour causes le drainage parfois excessif des champs, mais également l'extraction de granulats dans les vallées alluviales qui réduisent les surfaces de prairies humides remarquables. Cela est très notable dans la vallée de la Moselle.
D'autres plantes arrivent sur notre territoire par diverses voies : jardineries, aquariophilie, transports routiers ou ferroviaires. Certaines de ces plantes s'intègrent à la flore locale sans la concurrencer tel le Jonc odorant d'origine asiatique, qui borde certains plans ou cours d'eau, ou la laîche faux-vulpin, plante américaine introduite lors de la Deuxième Guerre Mondiale à Bourgaltroff et qui s'y maintient depuis cette époque. D'autres plantes deviennent invasives comme la très connue Renouée du Japon, présente en France depuis le XIXème siècle, ou le Séneçon du Cap, devenu invasif depuis le début du XXIème siècle, alors que sa présence en Lorraine date des années 1970. »
Des actions sont-t-elles engagées pour préserver et promouvoir le patrimoine floristique lorrain ?
« Pour préserver et promouvoir le patrimoine floristique lorrain, il faut le connaître et c'est ce qui a été fait avec la publication de l’Atlas de la flore lorraine réalisé par Floraine. Cet ouvrage est en vente dans toutes les librairies. Il fait l'état actuel de la flore, mais n'est pas exhaustif. Le travail de prospection continue en relation avec le Pôle Lorrain du futur Conservatoire Botanique National Nord-Est mis en place à l'initiative de Floraine en collaboration avec le Conservatoire d'Espaces Naturels de Lorraine et la Fédération des Conservatoires Botaniques Nationaux. Le Pôle Lorrain a commencé à travailler sur la liste rouge des espèces rares et menacées de Lorraine, préalable à la révision de la liste des végétaux protégés qui date du 3 janvier 1994.
Les membres de Floraine sur le terrain à Sarreinsming (Crédits photo : Association Floraine)
Floraine et le Pôle Lorrain travaillent de concert à la connaissance et à la promotion du patrimoine floristique lorrain. D’autre part Floraine, organise des sorties pendant toute la saison de floraison (de mars à septembre) sur l’ensemble de la Lorraine. Durant la période hivernale, des conférences sont présentées au Jardin Botanique du Montet à Villers-les-Nancy. Toutes les activités de Floraine sont présentées sur le site internet www.floraine.net.
Le Conservatoire d’Espaces Naturels de Lorraine gère 283 sites remarquables pour une surface de 5 432 hectares sur l’ensemble de la Lorraine. Il est également gestionnaire des réserves naturelles nationales ou régionales sur notre territoire. Ces milieux remarquables sont des tourbières, des pelouses calcaires, des mares, des étangs, des prés salés, etc. Il propose également des sorties découvertes. »
Concrètement, comment savoir si on peut cueillir ou non une fleur dans une prairie, un champ ou une forêt ? Comment reconnaître une espèce protégée ?
« Tout d’abord, il y a lieu de se renseigner sur le statut de la propriété sur laquelle on veut cueillir une fleur. Les espaces protégés sont généralement indiqués sur le terrain. Pour reconnaître une plante protégée il n’y a pas de critères. Il faut connaître les listes de végétaux protégés au niveau national, régional et départemental. En règle générale, une plante dont il n’existe que quelques exemplaires sur le terrain prospecté doit être préservée. Cependant, certaines plantes protégées se retrouvent en grand nombre sur une surface déterminée, comme par exemple la nivéole de printemps, sorte de perce-neige que l’on trouve par milliers de pieds dans certains vallons forestiers. Pour mieux connaître la flore il est conseillé de rencontrer des botanistes confirmés. Floraine permet d’apprendre sur le terrain la botanique de manière conviviale et partagée. »
Le Groupe BLE Lorraine remercie François VERNIER pour le temps qu’il nous a consacré.
M. VERNIER est Président de l’Association Floraine, Président du Pôle Lorrain du futur Conservatoire Botanique National du Nord-Est et Membre du Conseil Régional Scientifique du Patrimoine Naturel de Lorraine.
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Samedi 27 janvier 2018, le Président du Groupe BLE Lorraine, M. Thomas RIBOULET, a une nouvelle fois ...